« On n’est plus dans la tradition française »

Propos de Didier MAUS, Président émérite de l’association française de droit constitutionnel, recueillis par Martine CHEVALET pour "le Parisien Dimanche" du 10 février 2008.

Comment les constitutionnalistes réagissent-ils au style présidentiel si inédit de Nicolas Sarkozy ?

Didier MAUS. C’est la première fois que la vie privée d’un président est aussi imbriquée dans la vie publique. Jamais jusqu’à présent il n’y avait eu une telle interférence. Aucun des éléments récents pris séparément, comme son mariage à l’Elysée, ne soulève de difficulté constitutionnelle en soi ni ne contredit le droit Mais leur accumulation peut alimenter une interrogation sur la dignité de la fonction présidentielle. Craignez-vous une altération de la fonction ?

Personne ne peut savoir ce que de viendra l’image du président et le cas échéant, quelles en seront les conséquences. Il est absolument indispensable que nous ayons rapidement une image — certes heureuse du président — qui ne soit pas uniquement nourrie par ces photos sur sa vie privée. D’ailleurs, elle n’est pas si privée que cela puisque lui-même la met en scène, d’où la grande difficulté.

Le président prend-il un risque avec cette surexposition médiatique ?

Son mode d’élection au suffrage universel, ses fonctions de gardien des institutions font qu’il n’est pas un citoyen comme les autres. Il bénéficie d’un statut unique. C’est à lui de veiller à ce que cette singularité, par sa vie privée et son action, n’abaisse pas la fonction présidentielle.

La plainte au pénal contre un hebdomadaire, est-ce un rapport inédit aux médias ?

Il est parfaitement normal que Nicolas Sarkozy, agissant en qualité de simple citoyen et non de président, utilise les amies juridiques à sa disposition quand il en a besoin à titre privé. Toutefois, on voit bien que l’un rejaillit sur l’autre. Nous sommes, depuis son élection, dans une succession de « premières » au sens alpiniste du terme. C’est la première fois qu’un président a intégré de lui-même sa vie privée dans sa stratégie politique. Depuis un an qu’il est élu, il accumule ces premières. On n’est plus dans la tradition française. Son image aujourd’hui est la résultante de toutes ces singularités. Il est difficile d’en poser les limites.

L’Elysée objecte volontiers un devoir de transparence vis-à-vis des Français…

La transparence, c’est d’abord ce qui touche au domaine public. Mais il n’y a qu’un juge de paix : l’électeur.

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