Tribune d’Yves Jego – Premiers jours du gouvernement : aucune mesure symbolique

La session extraordinaire du Parlement qui suit l’élection présidentielle et législative est souvent un marqueur pour la majorité et le gouvernement issus des urnes.

En 2007 la présidence de Nicolas Sarkozy avait débuté, dès le mois de juillet, par le vote de deux textes stratégiques : la désormais fameuse loi Tepa et la réforme de l’autonomie des Universités.

La gauche n’aura à l’évidence pas voulu ou pu mettre à profit l’élan du 6 mai pour faire adopter dans la foulée de sa victoire un train de mesures qui aurait été symbolique de la volonté de changement affichée par le nouveau chef de l’Etat pendant toute sa campagne.

Cette session extraordinaire du Parlement aura été bien improductive en se contentant de combler le vide législatif sur le harcèlement sexuel, conséquence de la décision récente du Conseil constitutionnel et d’adopter un collectif budgétaire dont l’essentiel aura été de défaire avec hargne et appétit les dispositions prises par l’ancienne majorité.

Aucune mesure symbolique du changement annoncé n’aura été soumise au Parlement durant ces 100 premiers jours.

Pourtant, pour incarner quelques-uns des 60 engagements du candidat Hollande, les tiroirs de la rue de Solférino devaient bien contenir quelques textes ou réformes prêtes à être votées?

Rien sur la jeunesse pourtant érigée en priorité des priorités. Rien sur le redressement productif et la compétitivité de nos entreprises à l’heure où les plans sociaux se multiplient -certes un plan pour le secteur de l’automobile. Rien de significatif sur la réduction des dépenses de l’Etat et pas même le fameux impôt au taux de 75% pour les plus riches qui avait pourtant vocation à se trouver dans le collectif budgétaire.

Un peu comme si les socialistes n’avaient pas pris la mesure de ce qui est désormais leur responsabilité de gouvernants aux pleins pouvoirs et en étaient restés à une culture d’opposants, trop habitués à discourir à l’infini dans les hémicycles sur les défauts, forcément nombreux, de ceux qui ont perdu.

Ainsi, le retour d’une gauche ultra majoritaire aux responsabilités se résumera-t-il, d’ici à la rentrée, à la suppression des mesures de compétitivité contenue dans le dispositif de TVA sociale et surtout à un incroyable coup de massue porté au pouvoir d’achat des classes moyennes qui vont perdre sans compensation les presque 5 milliards d’avantages liés au célèbre « gagner plus pour travailler plus » de 2007.

C’est un peu court aussi bien dans la symbolique nécessaire pour légitimer toute majorité nouvelle que dans la réalité de ce que doit être la réponse politique aux angoisses d’un pays qui attend avec une véritable impatience des mesures fortes et rapides pour l’emploi et la croissance.

Le gouvernement nous rétorquera sans doute qu’il a son rythme et que ce rythme est très différent de celui impulsé par Nicolas Sarkozy à la majorité précédente. On l’aura compris.

Si l’on écoute les responsables socialistes, le changement, c’est prendre le temps de la concertation pour ne pas agir dans la précipitation.

Soit! Mais alors pourquoi ne pas avoir confié aux partenaires sociaux le soin de régler le sort des heures supplémentaires ?

Voilà qui aurait été cohérent avec le discours sur la méthode du Premier ministre, s’agissant d’une mesure qui va faire perdre brutalement en moyenne 450 euros de pouvoir d’achat à des millions de salariés modestes et mettre en péril l’équilibre déjà fragile de nombreuses PME.

La réalité est aussi que le nouveau gouvernement est manifestement, compte tenu de l’inexpérience du plus grand nombre de ses membres, en phase de découverte des mécanismes de décision propres aux plus hauts échelons de l’Etat et n’a pas encore de prise réelle sur les administrations dont il a la charge, dont l’inertie et le conservatisme, sous des gouvernements de droite comme sous des gouvernements de gauche, est une constante, qui nécessite de la part des ministres autorité et fermeté.

Pour Aristote « le commencement est la moitié du tout ». En n’occupant pas l’espace politique pendant son commencement et en ne répondant pas immédiatement, par l’action, aux attentes du pays, le gouvernement de gauche aura pris le risque que la seule trace de ce démarrage poussif ne soit la brutalité injuste de la nouvelle majorité envers les millions de français qui bouclaient leur fin de mois grâce aux avantages des heures supplémentaires.

Yves Jégo
Vice-président du Parti radical
Maire de Montereau-fault-Yonne
Député de Seine-et-Marne
www.yvesjego.com

En politique, et particulièrement en période de crise, le temps perdu ne se rattrape jamais et la première impression est celle qui marque.

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