« Pour une révolution républicaine »
Les élections se suivent et se ressemblent. Chaque échéance s’accompagne de son lot de « maux démocratiques » : l’abstention, ce silence assourdissant des urnes, et la poussée des populismes en ville et, plus récemment, en zones rurales. Au moment où les Radicaux éliront leur nouveau président, le Front National, parti poujadiste et xénophobe, sera officiellement le premier parti de France.
Face à cela, la majorité socialiste, qui oscille entre social-démocratie et vieux démons idéologiques, semble totalement déboussolée et incapable de fixer un cap. Jamais dans l’histoire de la Vème République, une majorité n’a été déconsidérée aussi vite et aussi massivement. Elu par défaut, François Hollande gouverne par défaut à coups d’alliances de circonstances et de combinaisons, en attendant un hypothétique retour de la croissance.
À droite, l’U.M.P n’en finit plus de se diviser : sur le projet, sur la stratégie à suivre pour endiguer la montée du Front National, sur la construction européenne. La perspective d’un retour de Nicolas Sarkozy accroît encore l’absence d’un leadership clair. Après avoir dérivé toujours plus à droite de 2010 à 2012, l’ancien « parti unique de la droite et du centre » est désormais en proie aux divisions, au grand désespoir de ses militants.
Il faut rendre un hommage appuyé à Jean-Louis Borloo qui, dès janvier 2011, avait prophétisé l’enlisement de l’U.M.P. En en tirant immédiatement les conséquences sur le plan politique, il a permis aux Radicaux de construire, avec leurs alliés centristes, une alternative crédible à droite sur le fondement de valeurs communes. Les bons résultats obtenus par les candidats radicaux et U.D.I aux dernières élections européennes, confirment le bienfondé de cette stratégie d’indépendance vis-à-vis de l’UMP, sur laquelle il est hors de question de revenir.
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Le recul historique des forces républicaines dans l’électorat se traduit par une lente érosion des valeurs qu’elles incarnent. De façon insidieuse se développe une nouvelle pensée unique, savant mélange de souverainisme et de repli identitaire, qui pèse sur le débat public. Si la République en tant que régime ne semble pas en danger, l’idéal républicain, lui, est clairement remis en cause. En tant que Radicaux, notre responsabilité est de tout faire pour préserver cet idéal, en nourrissant et en incarnant les quatre piliers de la pensée radicale :
La liberté dans toutes ses acceptions : liberté de s’exprimer, de créer, d’échanger et d’entreprendre. La liberté aussi de s’affranchir de son milieu d’origine pour se forger un destin. En plus d’être consubstantielle à la dignité humaine, la liberté est le terreau de l’innovation et du progrès. Elle est aussi une marque de confiance de l’Etat envers les individus. Sans être menacée, la liberté a progressivement été étouffée sous le poids des exigences sécuritaires, de la prolifération des normes, de l’inertie administrative et de la centralisation. Héritiers de ce « libéralisme humaniste » qui est tout sauf la loi du plus fort, les Radicaux doivent recréer des espaces de liberté : la décentralisation, la simplification administrative, la réduction des déficits qui permet aux Etats de s’affranchir des marchés, l’accès à la culture, l’expérimentation dans le domaine économique et social. C’est parce qu’ils ont su s’affranchir des cadres institutionnels classiques que les Radicaux ont inspiré à Jean-Louis Borloo la méthode du Grenelle de l’Environnement fondée sur une concertation à cinq associant l’Etat, les collectivités locales, les entreprises, les organisations syndicales et les associations de protection de l’environnement. Une concertation dont les conclusions retranscrites dans la loi, ont ouvert la voie à une croissance à visage humain.
Le solidarisme, traduction du lien fraternel qui unit les membres d’une communauté, et qui s’incarne aujourd’hui dans notre modèle social. Un modèle auquel les Radicaux ont apporté une contribution majeure dans le cadre notamment du plan de cohésion sociale. Cette contribution, nourrie d’une longue expérience, a débouché sur de nombreuses réalisations : le lancement d’un plan massif en faveur de l’apprentissage, le développement des services à la personne, la création des « maisons de l’emploi », le triplement, en cinq ans, des constructions de logements sociaux. Au Parlement, les Radicaux ont défendu la création du R.S.A. et du contrat unique d’insertion. Dépositaires de l’école de Jules Ferry, les Radicaux n’ont eu de cesse d’être aux avant-postes du combat pour l’égalité des chances qu’il s’agisse de la défense de la neutralité de la communauté éducative, de l’insertion professionnelle des jeunes, – première urgence sociale de notre temps, – ou de la promotion de la diversité dans la société.
Troisième pilier : l’Europe politique. Comme je l’ai écrit, la passion européenne des Radicaux n’est pas de nature idéologique. Elle se fonde sur une communauté de destin et se nourrit, depuis près de soixante ans, de bénéfices si présents dans notre quotidien, qu’on a tendance à en oublier l’existence et le prix : la paix, l’affermissement de la démocratie, la stabilité monétaire, la liberté de circulation. Oui, l’avenir de la France passe par l’Europe, unique rempart contre les errements de la mondialisation : le dumping social et écologique, les flux migratoires non maîtrisés, la criminalité et les paradis fiscaux. Nos difficultés ne viennent pas du « trop d’Europe » mais du « trop peu d’Europe ». Une monnaie unique, c’est bien. L’harmonisation fiscale et sociale, c’est mieux. Un « Erasmus pour les étudiants », c’est bien. Un plan européen en faveur de l’apprentissage, c’est mieux. L’extension des procédures de codécision, c’est bien. Les « Etats-Unis d’Europe », belle idée radicale, c’est mieux. Forts du signe encourageant que nous ont adressé les Français le 25 mai dernier, nous devons continuer à penser et bâtir l’Europe de nos rêves, celle que nous voulons pour nos enfants. Pas une Europe réduite à ses plus simples expressions, mais une Europe intégrée, unifiée autour d’institutions renforcées et fière de ses valeurs humanistes.
Dernier pilier : la laïcité, colonne vertébrale de la République. Un principe qui est à la fois un message de fermeté et de paix, une main tendue et un poing serré. Elle est le plus bel hommage rendu par la raison à la liberté de croire. Cette laïcité, magnifique exception française, les Radicaux en sont les gardiens vigilants après en avoir été les inspirateurs. Ainsi, ils s’opposeront de toutes leurs forces à ceux qui tenteront de l’affaiblir, de la contourner ou de la détourner. Car la laïcité n’est pas synonyme « d’exclusion » mais « d’inclusion » ; elle n’est pas une dénonciation, mais une acceptation ; elle n’est pas tournée contre une religion en particulier, mais s’adresse à toutes les croyances. Aux tentatives de « communautarisation de la société », les Radicaux opposeront l’universalisme de la République.
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C’est sur ces fondements que j’appelle tous les Radicaux et les républicains à bâtir notre prochain Manifeste, véritable projet d’alternance laïc, républicain, européen et social. En plus de rappeler nos valeurs, il apportera des réponses aux doutes qui fragilisent le contrat social. Il constituera également un antidote aux errements actuels du débat politico-médiatique fait de petites phrases, d’approximations et de simplifications. Le Parti Radical doit demeurer cette force politique raisonnée et réfléchie, capable d’appréhender la complexité de notre temps et d’éclairer les Français par une pédagogie intelligente. Ce Manifeste sera révolutionnaire en ce sens où il renouera avec les grands principes qui ont nourri la République : la liberté, la fraternité, l’égalité des chances, la laïcité. Quatre valeurs pour une révolution républicaine, fraternelle et humaine.
Laurent HENART